mardi 30 décembre 2014

Mãn, Kim Thuy.

Mãn est une histoire d'amour entre une femme et celles qui l'ont, tour à tour, fait naître, allaitée, élevée. Elle a été déposée dans le potager d'un temple bouddhiste sur le bord d'un des bras du Mékong par une adolescente. Une moniale l'a recueillie et nourrie d'eau, de riz et du lait des seins d'une mère voisine, avant de la confier à une autre femme – enseignante de jour, espionne en tout temps.

Mãn parle de l'amour à l'envers, celui qui doit se taire, celui qui ne peut être vécu, celui qui ne doit pas s'inscrire dans le temps en souvenirs, en histoires. Or, juste avant la fin, ou au milieu d'un nouveau début, ailleurs, loin de la chaleur tropicale, près du corps, dans la lenteur aérienne des flocons de neige, il y a eu un amour à l'endroit, c'est-à-dire un amour ordinaire né d'une rencontre ordinaire, avec un homme ordinaire, ce qui était pour elle l'extraordinaire, l'improbable.


Mãn
, c'est l'apprentissage du mot « aimer » pour donner suite à la définition du verbe « vivre » de À toi et à la conjugaison de « survivre » de Ru.
 
Lire ce roman, c'est s'immerger totalement dans la culture vietnamienne!  Gastronomie, linguistique, amour, famille et coutumes nous émerveillent, nous étonnent et nous enseignent d'une certaine façon. La lenteur, la parcimonie, le respect, la pudeur... ce peuple a beaucoup à nous transmettre. 
 
"À la veille des fiançailles, la salle brillait de rouge, non pas rouge d'amour, mais rouge de chance.  Par superstition, chaque cadeau doit être enveloppé de cette couleur de bonne fortune car tous les mariés ont besoin de beaucoup de chance pour trouver l'équilibre permettant à deux personnes de construire une seule et même vie, qui devra à son tour en soutenir d'autres." (p.48)
 
C'est définitivement une incursion dans un autre monde qui se dilue un peu au contact d'une société aussi agitée que la nôtre.  L'émancipation de Mãn nous fait sourire, nous donne un peu d'espoir pour cette femme qui vit à l'étouffée à cheval entre deux terres.  Sa libération se fait sentir dans sa tête, ses mouvements, c'est saisissant de pouvoir être témoin d'un si grand déploiement émotif!
 
"Une fois, pour une soirée de levée de fonds, je suis retournée à une ancienne leçon de chinois où le professeur avait expliqué que le caractère du mot "aimer" englobait trois idéogrammes: une main, un cœur et un pied, parce que l'on doit exprimer son amour en tenant son cœur dans ses mains et marcher jusqu'à la personne qu'on aime pour lui tendre." (p.117)
 
Si Ru a été pour moi une lecture très forte, je suis plus modérée dans mon enthousiasme pour Mãn.  Cela étant dit, la plume de l'auteure étant si douce et riche en même temps, j'en redemanderai encore!
 
ISBN: 9782764804971

2 commentaires:

Karine:) a dit...

Pour ma part, je pense que j'ai été autant touchée que pour Ru. J'ai trouvé le déracinement plus évident, plus crève coeur...

Kikine a dit...

Comme toi, j'ai préféré Ru mais ce livre est comme le premier, tout empreint de belle poésie. Un charme que cette écriture.