samedi 5 novembre 2016

Colorado Blues, Kent Haruf.

Ce matin de novembre 1985, à Holt, petite ville imaginaire du Colorado, une Cadillac s’arrête dans la rue principale. Son conducteur, un homme chauve et obèse, ne bouge plus de sa place de toute la journée, sous l’oeil indifférent des passants. Finalement, il est reconnu par un commerçant, qui prévient aussitôt le shérif. Jack Burdette, enfant du pays, est de retour.
1972 : Jack Burdette est l’enfant terrible de la ville. Ses manières de sacripant ont déjà défrayé la chronique alors qu’il était adolescent, mais son charme de grand gaillard sûr de lui, au verbe haut, ont rapidement plaidé en sa faveur. Malgré ses frasques, les gens de Holt, très vite, lui confient la direction de la plus importante entreprise de la ville : la coopérative agricole. Jack s’empresse de détourner l’argent, puis disparaît subitement, abandonnant sa femme, Jessie, enceinte, et ses deux enfants.

La colère des habitants s’abat sur Jessie. Elle a tout pour déplaire : trop jolie, trop indépendante et trop sauvage. Anticipant les demandes de ses concitoyens, Jessie fait don de sa maison à la coopérative. Mais la soif de vengeance des gens de Holt n’est pas étanchée. Alors la belle Jessie trouve un moyen de régler les dettes de son mari : samedi soir après samedi soir, enfilant une robe rouge qui moule ses formes parfaites malgré sa grossesse avancée, se maquillant un peu trop, buvant un peu trop, Jessie s’installe au pub du coin. Et c’est ainsi que, durant trois semaines, Jessie danse avec les hommes de Holt. Des slows, bien sûr, mais surtout des danses endiablées qui la laissent essoufflée mais imperturbablement souriante, malgré son ventre tendu. Jusqu’au drame…

Dans un style épuré, Kent Haruf explore les passions de l’être humain : la naissance et la mort de l’amour, la quotidienne mesquinerie et la violence des masses. Sa langue, toute en délicatesse, en émotions retenues, est la marque d’un grand écrivain.
 
Après mon coup de coeur Nos âmes la nuit paru dans cette même maison d'éditions cet automne, j'ai décidé de faire le tour de l'oeuvre de Kent Haruf.  Grand écrivain américain que je ne connaissais pas, il manquait cruellement à ma culture!
 
Dès les premières pages de Colorado Blues, l'auteur nous plonge au beau milieu d'une histoire.  Celle de Jack Burdette, le plus grand manipulateur d'une petite ville appelée Holt.  Et pourtant, jamais on se sent perdu.  Tranquillement, il nous tricote l'histoire à partir de la première maille et nous ramène au moment où il refait son apparition dans sa grosse Cadillac rouge.
 
Il n'y a rien de superflu dans l'écriture de Kent Haruf.  Tous les personnages ont leur rôle à jouer et jamais l'auteur se perd dans un texte pour "meubler".  J'ai parfois l'impression que certains écrivains aiment coucher sur papier leurs connaissances ou insistent pour inclure quelques pages qui traitent d'un sujet qui leur est cher.  Kent Haruf n'a pas besoin de cette couche en trop qui rend la lecture parfois très lourde.  Il aime raconter une histoire, c'est tout.  Et il le fait bien.
 
"Alors, pour lui, cet épisode du frigo Majestic de Burcham Scott ne représenta bientôt qu'une anecdote supplémentaire dans sa légende grandissante, ne faisant qu'ajouter à cette aura locale dont il jouissait déjà au lycée et en ville.  Car de sa part, à ce moment-là, nous avions commencé à nous attendre à tout, tandis que lui, de son côté, avait déjà appris - si agir sur des élans bizarres et irréfléchis pouvait s'appeler apprendre - à ne pas décevoir les attentes des gens.  Et encore moins les siennes."
 
Le rythme de Colorado Blues est excellent, la poussière lève dans les rues et on s'attache rapidement à tous ces gens que Jack Burdette aura déçus plus d'une fois dans leur vie!
 
Le chant des plaines sera ma prochaine lecture dans le répertoire de l'auteur. À ce rythme, il me faudra bientôt une paire de bottes de cowboy...
 
ISBN: 978-2-221-10776-8

8 commentaires:

Noukette a dit...

Il faut absolument que je découvre cet auteur, il m'a l'air fait pour moi !

Jules a dit...

Noukette: il entre dans l'Amérique profonde! :)

Suzanne a dit...

Toi, Marie-Claude et bien d'autres conseillent fortement cet auteur. Noté depuis un bout déjà, je vais vais finir par y arriver ;-)

Jules a dit...

Suzanne: je pense que quand tu auras commencé, tu ne pourras plus t'arrêter! :)

Alex Mot-à-Mots a dit...

Tu n'as plus qu'à demander tes bottes de cow-boy pour Noël....

Jules a dit...

Alex: hahaha sur la liste! :P

Marie-Claude a dit...

Ah, mon Kent! Je l'adore... Et la bonne nouvelle: j'ai appris qu'il en restait deux à traduire...

Jules a dit...

MC: ah oui?! Une excellente nouvelle alors!!