jeudi 27 avril 2017

Pivot, Marie-Ève Cotton.

Dans l'unité psychiatrique de l'hôpital Sainte-Marie, à Montréal, Hadrien Jalbert, alias Pivot, attend la fin d'un énième enfermement injustifié manigancé par l'organisation secrète qui le persécute depuis des années. Ses compagnons d'infortune, eux, sont bel et bien fous. Il y a Jésus, un jeune Haïtien persuadé d'être le Christ, le Chat de ruelle, clochard sans âge qui converse avec des gnomes invisibles, Jonathan Livingston, interné après avoir voulu s'envoler du pont Jacques-Cartier et, surtout, Mary, une Inuite du Nunavik hantée par les mourants qu'elle entend hurler dans les murs. Pivot, qui doit son surnom à son éloquence, ne trouve pas les mots pour la réconforter.
 
Lorsque je reçois un livre non sollicité, je le place toujours au bas de la pile… mais lorsque la relationniste prend la peine de me dire que c’est un coup de cœur et que je constate que le livre reçoit de bonnes critiques, j’y jette un coup d’œil plus rapidement!
 
Dès la première page, j’ai su que ce serait une lecture que j’aimerais!  D’abord, parce qu’on y retrouve déjà beaucoup d’humour malgré le sujet.  Il ne faut pas se le cacher, les patients en psychiatrie sont parfois loufoques et leurs écarts de conduite peuvent nous paraître divertissants et bizarres, mais il n’y a absolument rien de drôle dans leur cas.  Néanmoins, Marie-Ève a su nous construire des personnages-patients attachants avec qui nous découvrons l’envers de la médaille et les malheurs de la maladie mentale.
 
"Personne ne hait la folie autant que les fous.  Quand ils émergent de leurs délires, quand ils se retrouvent ni dieu ni homme-oiseau, les psychotiques réintègrent la petitesse de leur humanité et doivent faire face à tous les gens en présence de qui ils se sont comportés de manière farfelue.  Ils en ressentent une humiliation que personne ne peut comprendre, et lutter contre cette honte est une guerre harassante.
 
C'est pourquoi bien des fous choisissent en toute conscience de retourner vers l'illusion.  Ils crachent alors leurs pilules pour redevenir invulnérables et omnipotents.  Ou ils se tuent.  Il n'y a que dans leur folie ou dans la mort que les fous échappent vraiment au dégoût de leur état."
 
Dans le centre hospitalier où je travaille, l’aile psychiatrique se retrouve également au quatrième étage de l’édifice et des codes blancs (patient agressif) il en résonne tous les jours dans l’hôpital!  Sans air climatisée, je me plains tout l’été de ma fenêtre anti-suicide (au cinquième étage) dont l’ouverture ne dépasse pas 20cm.  Donc, en lisant ce roman, j’étais en terrain connu et les événements qui se produisent dans ces histoires ne sont pas très loin de la réalité.  Certains patients sont autorisés à sortir dehors pour fumer et je dois vous dire que quelques-uns font peur!  Parfois sous forte médication, ils ont plutôt des allures de drogués profondément intoxiqués!  Assez pour que je sorte de l’ascenseur ne me sentant pas toujours en sécurité.  J’ai trouvé que l’auteure rendait un bel hommage au personnel de ces unités de soins.  Leur travail est souvent difficile car il est certainement plus délicat d'essayer de raisonner un patient en psy qu’un patient sain d’esprit.  Ils sont constamment sous la menace de violence ou de dissertations qui font ni queue ni tête!  En même temps, l’auteure nous fait prendre conscience que personne n’est à l’abri d’une psychose.  Même bardée de diplômes, Pivot est un bel exemple des mauvais tours que peut jouer le cerveau.  Il se croît surveillé par Le Système et retrace leurs actions jusque dans le journal quotidien.  Il n’est qu’un patient parmi les autres, mais il est ce qu’on appellerait le pivot central de l’unité.  Il est très cohérent dans ses analyses des problèmes des autres et de la vie en général jusqu’à ce que Le Système se manifeste à nouveau. 
 
J’ai été impressionnée par l’écriture de Marie-Ève Cotton qui est médecin psychiatre.  Il y a une grande marge entre le métier d’écrivain et le sien et j’ai trouvé qu’elle avait réussi à marier les deux de façon remarquable!  C’est donc un coup de cœur pour moi aussi et ce n’est pas peu dire car j’en ai eu très peu ces dernières années du côté de la littérature québécoise…
 
ISBN: 978-2-89649-748-5

3 commentaires:

Suzanne a dit...

Hon pas reçu encore et je me croise les doigts car j'ai hâte de le lire.

Jules a dit...

Suzanne: il est arrivé il y a plus de deux semaines, tu devrais demandé...

Alex Mot-à-Mots a dit...

Riche idée de l'avoir lu rapidement et d'écrire un billet. Je note ce roman qui pourrait me plaire.