vendredi 17 avril 2015

Camille s'en va, Éliane Girard.

Camille vit avec sa mère, Maryline, dans une ville moyenne du nord de la France. Il y a déjà bien des années, son père est mort accidentellement, d’une balle qui ne lui était pas destinée. Maryline, depuis, s’est coupée de tous. Elle survit grâce aux médicaments. Elle oblige sa fille à rester enfermée avec elle dans leur appartement où la télévision, toujours allumée, tient lieu de réel.
 
La mère et la fille n’ont pas le même regard sur l’image. Pour Maryline, le drame est permanent et sa peur du monde extérieur empire de jour en jour. Pour Camille, à travers un jeu de télé-réalité qui va la motiver à partir, le rêve est à portée de main.
 
Le jour de sa majorité, excédée par la vie mortifère imposée par sa mère, Camille s’en va.
Elle n’a pas d’amis et très peu d’argent. Elle s’invente un personnage et part en stop, à la découverte des autres - et d’elle-même.
 
Roman ancré dans le quotidien de ’petites gens’, Camille s’en va parle aussi de notre société, de solidarité, de situations extrêmes qui, cependant, ne sont jamais sans espoir.

"J'étais enfermée chez moi avec ma mère qui alternait période de sommeil et période de veille devant la télévision.  Heureusement j'avais encore le droit d'aller à la bibliothèque, de faire des courses et de sortir Toby."

Il est très rare de voir une quatrième de couverture qui explique vraiment le contenu d'un roman.  Celle-ci se colle parfaitement à l'histoire.  Alors, je vous dirais que j'ai beaucoup apprécié l'écriture d'Éliane Girard.  Dès les premières pages, elle nous engouffre avec Maryline et Camille dans leur appartement négligé où la soupe en conserve règne à chaque repas et où seul le chien semble mettre un peu d'ambiance lorsqu'il réclame une sortie pour faire ses besoins!  Ambiance pas très jojo et plutôt lourde...

Maryline calme ses angoisses avec la télévision et ses somnifères pendant que Camille voit ses rares sorties minutées au quart de tour.  Parce que son père n'est jamais revenu d'une petite course au magasin du coin, sa mère ne lui laisse aucune liberté de crainte de la perdre elle aussi.  Mais un jour, Camille en a marre et prend la fuite.  Elle s'invente une identité, berne des gens avec son accent fabriqué sur mesure et s'amuse à jouer à un tour d'Europe digne d'une télé-réalité à un euro...

Camille s'en va, c'est l'histoire d'une cellule familiale étouffante qui finit par prendre l'air.  Chacune de leur côté, ces deux femmes apprennent à vivre l'une sans l'autre et ceci a plutôt un effet bénéfique.  Bien que Camille soit morte de peur devant l'inconnu et que Maryline souffre énormément du départ de sa fille, c'est l'occasion pour elles de se reconstruire et d'être plus fortes.  Toutes les deux aidées par des inconnus, elles vont de l'avant et sortent de leur vieille carapace grise et usée.

C'est un magnifique roman d'affiliation.  Plus léger qu'il ne le laissait croire au départ, j'ai passé un excellent moment de lecture.  La belle lumière après la tempête qu'offre la fin nous soutire un grand sourire...

Buchet-Chastel
ISBN: 978-2-283-02876-6

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